Koad ar Vouster

Suivez le moine de Koad ar Vouster

Koad ar Vouster, « Le bois du monastère » est le nom d’un bois situé sur la commune de Landeleau, entre le Canal de Nantes à Brest et la route de Plonévez-du-Faou. A partir du Presbital Kozh, il faut quelques minutes pour se rendre à pied jusqu'au circuit de randonnée. L’association Oaled Landelo souhaite en faire un sentier d’interprétation pour mettre en valeur son riche patrimoine naturel et historique, en s'appuyant notamment sur les travaux de microtoponymie et d'histoire locale réalisés par Geneviève Fichou à partir du cadastre Napoléon. Un balisage en panneaux d’ardoise a été réalisé à l’automne 2014. Mi-mars 2015, le sentier a été visité par Sylvestre Boichard, animateur de l’EPAGA (Etablissement Public d'Aménagement et de Gestion du bassin versant  de l'Aulne), pour qui « Le site se prête parfaitement à une découverte du patrimoine naturel breton typique ».

Pont Trapier

Ruine d'une maison de charbonnier ou de mendiant, Koad ar Vouster en Landeleau

Le sentier emprunte l’ancienne route de Landeleau à Plonévez-du-Faou, encore utilisée au début du 20ème siècle, juste après la Grande Guerre. La petite maison en ruines au bord du chemin abritait peut-être un charbonnier ou une famille pauvre. Aujourd’hui, il est probable qu’elle donne refuge à des escargots de Quimper. Nous avons pour projet de l’aménager et d’y installer des panneaux explicatifs. Elle marquera le début du sentier.

Pon Trapier, Koad ar Vouster en Landeleau

Au bas de la descente, une chaussée en pierre a été aménagée le long du ruisseau pour que les piétons passent à pied sec. Elle présente deux ouvertures sur une prairie humide servant de drain en cas d'inondation. Les piétons traversaient ensuite le cours d'eau par le Pont Trapier (prononcer « Pont Trap’ »), trois grandes dalles reposant sur des piles rudimentaires. Quant aux charrettes, tirées par des chevaux, elles passaient à gué dans la rivière. Après la descente, glissante et périlleuse, le plus dur restait à faire : remonter la pente raide et rocheuse. Les paysans locaux empruntaient souvent cette route pour s’approvisionner au bourg de Landeleau ou pour charger des engrais apportés par le canal jusqu’à Pont-Triffen. On peut voir par endroit la trace des roues de charrettes creusée dans le roc, usure due à une longue utilisation.

 

La zone de Pont Trapier avait la réputation d’être toujours boueuse et glissante, à cause de nombreuses sources qui y sourdaient. A cela venait s’ajouter le dénivelé rocailleux à franchir à la descente comme à la montée. Cette accumulation de difficultés explique sans doute le nom donné au pont : Trapier vient probablement du breton « trap », piège. Comme pour de nombreux ponts en pierre très anciens, la tradition populaire fait remonter Pont Trapier aux Gaulois, ce qui reste à prouver.

Le ruisseau de Meil Gledig à hauteur de Pont Trapier, en Landeleau

Le ruisseau, non pollué et bien oxygéné, accueille sur ses rives une flore abondante : reine des prés, anémones sylvie, ficaires, oenanthe safranée (plante voisine de la carotte et surnommée le « navet du diable » à cause de sa toxicité). Ses eaux abritent une faune nombreuse et variée : patelles des ruisseaux, larves d’éphémères, lamproie de Planer,…

 

 Sur la droite du pont s’étend une prairie humide dont la végétation typique (molinies, joncs, iris) rappelle les Monts d’Arrée. Ce ruisseau traverse toute la commune du nord au sud avant de se jeter dans l'Aulne canalisée. Il change plusieurs fois de nom sur son parcours, en fonction des lieux traversés, mais celui qui semble s'y attacher est : ruisseau de Meil Gledig, le moulin du prince. Gledig vient du vieux-breton « guletic », prince. Ce terme entre dans la composition du nom de plusieurs parcelles et désigne probablement les possessions des ducs de Bretagne à Landeleau.

Haies et bocages

Arrivé en haut de la côte on découvre un paysage de haies et de bocages. La commune de Landeleau n'a été que peu touchée par le remembrement et elle conserve en de nombreux endroits un maillage de champs enclos de haies. Outre son utilité agro-écologique (évite l'érosion des sols), le bocage sert de voie de communication et de refuge à de nombreuses espèces : passereaux, chauves-souris, gibiers…. Il conserve aussi les noms de lieux en breton des parcelles, c'est un trésor pour les férus de micro-toponymie et d'histoire locale.

Le sentier longe le village de Kerbuluet, dont la fontaine était réputée avoir un gardien, le lutin de la fontaine, selon « son al lutun », « la chanson du lutin », collectée à Landeleau. Cette très belle fontaine a malheureusement été détruite et remplacée par une buse. Non loin de là, la ferme de Pusilierou était appelée autrefois Kerlutun et au village voisin de Penfoul, on parlait aussi de huttes de lutin. Cette tradition populaire bien ancrée au sujet des lutins, dans un secteur très restreint, a peut-être pour origine l'existence de souterrains de l'Age du Fer, dont la construction aurait été attribuée au peuple des korrigans par l'imagination des habitants. D'autant plus qu'à Penfoul, les fouilles réalisées en 1980 ont mis à jour un camp fortifié, des traces de huttes en bois, une stèle et une nécropole, l'ensemble daté de l'Age du Fer (800-400 av. JC).

Sur la colline d'en face, à la ferme de Menez Banal, les paysans avaient trouvé des tombes datant de l'Age du Bronze dans un champ qu'ils ont alors appelé "parc mysteric", car ces tombes leur semblaient bien trop petites. Ils ont alors pensé que les populations anciennes étaient plus petits qu'eux, jusqu'à imaginer un peuple de lutins... Selon certaines confidences qu'il vaut mieux tenir secrètes, on dit que certaines personnes de petite taille à landeleau seraient le fruit de croisements avec ce peuple de lutins !!!

La forêt de feuillus

A hauteur de Kerbiquet (« le village des pies »), le sentier tourne à gauche pour redescendre en longeant Koad ar Vouster. C'était sans doute l'ancien chemin des fermiers de Kerbiquet et Kerbuluet pour gagner le moulin du Chapitre plus bas. A droite, des champs en friche retournent lentement à la lande. Le bois est composé essentiellement de feuillus et le promeneur progresse sur un chemin herbeux à l'abri du vent, réchauffé par le soleil breton. A gauche, un pré sans nom abrite un petit verger et un banc qui appelle au repos et à la méditation.

A la jonction avec l'ancienne voie ferrée, aujourd'hui Voie Verte n° 6 (Camaret-Vitré), sur la droite, le toponyme « Goarem an noglan » ( = an aoglenn : le rouissoir, « la garenne du rouissoir), indique la présence d'un ancien bassin à rouir le lin ou le chanvre creusé dans le ruisseau. Ce toponyme se retrouve en d'autres lieux de la commune, sous des formes diverses. Tout près de là, il ne reste rien du « Moulin du chapitre », mais le toponyme, comme celui de Coat ar Vouster et du village voisin « Le Cloître », rappelle que toute cette zone, jusqu'à Kerbuluet, appartenait au Chapitre de Quimper, c'est-à-dire à l'Evêché. On discerne d'ailleurs dans cette zone les restes d'une infrastructure de gestion de l'eau sans doute mise en place par les religieux à l'origine.

 

On suit ensuite l'ancienne voie ferrée dont la construction a détourné le lit du ruisseau, rectiligne à cet endroit, mais qui retrouve ses méandres naturels un peu plus loin. A droite du chemin, une série de toponymes (« ros distoc'h », le côteau du délestage, « ros ar velin », « prat ar velin ») évoquent l'existence d'un moulin aujourd'hui disparu et de ses aménagements, parmi lesquels subsiste encore le bief désormais à sec.

Pont ar Zimarc'h

Pont ar Zimarch, Koad ar Vouster en Landeleau

On quitte la voie ferrée pour atteindre Pont ar Zimarc'h. Ce beau vieux pont est construit en arc de voûte de pierres sèches ; il est d'une facture extrêmement soignée, avec une embase parfaite reposant sur un dallage de pierres posées "de chant", également parfaitement exécuté. Pour certains Landeleausiens, c'est un pont romain, "trop bien fait pour avoir été réalisé par les gens du pays." D'ailleurs, il se trouve sur une ancienne voie gallo-romaine qui franchissait la rivière à gué. On n'a pas retrouvé de ponts gallo-romains en Bretagne.

Maurice Poher décrit ainsi le chemin qui descend à Pont ar Zimarc'h, tout en critiquant la négligence de ses compatriotes : " avec de profondes ornières d'au moins cinquante centimètres creusées dans le roc formant par endroit comme un escalier que doivent franchir les chevaux. Les roues cerclées de fer et le ravinement de la pluie ont fait leur oeuvre depuis les travaux des Romains."

Pont ar Zimarc'h viendrait de *pont ar zri[tri] marc'h, le pont des trois chevaux, car il fallait un cheval supplémentaire pour monter la forte pente qui mène au pont. Pour Maurice Poher, c'est seizh marc'h, sept chevaux qu'il fallait et non pas trois.

Pont ar Zimarch, un vieux pont construit en arc de voûte de pierres sèches.

 

Il faut descendre dans le lit de la rivière pour observer de près la qualité de la construction. Les larges pierres sèches donnent refuge à une faune diverse : chauve-souris (murins de Daubenton), martin-pêcheurs,...Aujourd'hui, ce magnifique pont est menacé de dégradation, non plus par les roues des charrettes, mais par les gros engins agricoles lourdement chargés qui le franchissent régulièrement. Les piles du pont subissent aussi les crues de la rivière. Un projet de restauration et de protection pourrait le sauver d'un écroulement probable.

Sur les rives du ruisseau de Meil Gledig vit au moins une loutre.

 

Après le pont, on laisse sur la droite la route qui monte à Meil Goff (le moulin du forgeron) pour s'engager à gauche sur le sentier qui longe la rivière. Le toponyme "lenn bras", le grand étang, indique une ancienne retenue d'eau aménagée en amont du moulin de Meil Goff pour alimenter son bief. Le long du ruisseau, des épreintes (déjections) de loutre signalent la présence d'au moins un individu établi sur les rives.

La fontaine de saint Telo

Située sur l'un des nombreux « Park sant Telo » de la commune, cette fontaine n'est pas signalée sur le cadastre Napoléon. Maurice Poher raconte « qu'une femme du village de Rozaon, ar voereb, la marraine, propriétaire de la prairie, disait que c'était la fontaine de saint Telo. »

C'est le seul témoignage recueilli sur cette fontaine un peu mystérieuse. Défrichée et restaurée par les riverains propriétaires, elle est visitée et honorée plus fréquemment par de simples promeneurs ou par des personnes en quête de spiritualités.

Cette fontaine se situe à hauteur de la maison en ruines qui marque le début du sentier. Ses habitants s'y approvisionnaient peut-être en eau potable. En effet, lors du nettoyage de la fontaine, on a retrouvé quelques tessons de cruches en terre cuite, dont certaines étaient frustres et anciennes, mais difficilement datables. Quant à la maison, c'est un exemple typique de construction sommaire genre "pennti", bâtie par les familles pauvres dans les délaissés de route. Il y en avait une autre près de Pont ar Zimarc'h, qui semblait plus récente que celle-ci. Peut-être que ces gens venaient s'installer au passage des gués difficiles, comme des sortes de gardiens, por proposer leur aide et offrir de l'eau aux voyageurs, moyennant pourboire ?

C'est la dernière étape du sentier de Koad ar Vouster. Le chemin monte jusqu'aux "buntoù", les buttes, appelées aussi "leign ar peulven", le sommet du menhir, trace toponymique d'une pierre dressée aujourd'hui disparue. Puis, la route actuelle mène en pente douce jusqu'au bourg en contrebas. Il est temps de regagner le Presbital Kozh pour un goûter bien mérité !