Histoire du Presbital Kozh

Des origines aux années 1950

Le Presbital Kozh, manoir breton du 15ème siècle

Le Presbital Kozh est à l'origine un petit manoir des XVème -  XVIème siècles. Son architecture est tout à fait conforme à celle des manoirs bretons de cette époque. Selon la tradition orale, il se nommait aussi "Maner Keryann". Il devait appartenir aux seigneurs de La Villeneuve dont l'un s'appelait Jehan entre 1426 et 1526, d'où sans doute cette appellation.

 

Une déclaration de bien de la paroisse datant de 1680 précise que "la maison presbytériale sert à cet effet de mémoire d'homme". Dans les comptes de la fabrique du 26 juin 1639, Jean Floc'h fait mention d'un titre ancien ( 14..? ) mentionnant que le recteur aurait payé une rente au seigneur de La Villeneuve. C'est probablement au cours du XVIème siècle que le manoir devint la propriété du chapitre de Quimper. C'est de cet usage qu'il tire son appellation de Vieux Presbytère, "Presbital Kozh" en breton, ou encore Presbital Koz, Presbytal Coz, Presbital Coz, Presbytal Koz, Presbytal Kozh selon les époques et les graphies employées.

 

En 1796, le Presbital Kozh et ses dépendances sont vendues au titre des biens nationaux, à André Galochard, marchand de biens. Il retourne ensuite à l'Eglise, mais les recteurs successifs se plaignent de la vétusté et de l'inconfort du bâtiment. En 1846, la commune décide de la construction d'un nouveau presbytère, les travaux sont terminés en 1850. En 1864, le "Presbital Kozh" est acheté par la famille Jaffré (Landeleau, Spézet).

François Jaffré continua à en louer une partie, qui devint mairie et école. Les lois de Jules Ferry votées en 1881 et 1882 rendaient l'école obligatoire laïque et gratuite. Le 10 décembre 1882, les deux chambres du 1er étage furent louées au sieur Jaffré par bail, pour héberger l'école et la mairie. La nouvelle école fut achevée en 1894 et le Presbital Kozh eut une autre vocation, la ferme.


Le Presbital Kozh en 1984

 

En 1950, les fermiers propriétaires, François Le Bloas et Marie Jeanne Jaffré prennent leur retraite et pendant 30 ans le bâtiment est abandonné. Il continue à se dégrader et se couvre de lierre, une partie de la toiture s'effondre...

Kan an Douar et la renaissance du Presbital Kozh

Etat intérieur du Presbital Kozh en 1984

En 1984, le Presbital Kozh est acheté par des militants bretonnants groupés en SCI. Le but est de créer un lieu destiné à la défense et à la promotion de la langue et de la culture bretonne.  Aussitôt signé le compromis de vente, les travaux commencent. Et il y a du pain sur la planche ! Abandonné depuis plus de 30 ans, le Presbital Kozh est recouvert de lierre, sa toiture est en grande partie effondrée, tout l'intérieur est à refaire. Il est presque à l'état de ruine.


Rénovation du Presbital Kozh par Kan an Douar

L'année suivante, en 1985, le Presbital Kozh est mis à la disposition de l'association Kan an Douar par un bail emphythéotique d'une durée de 20 ans renouvelable. Kan an Douar poursuit la restauration du Presbital, et pendant une quinzaine d'années, ce sont des milliers d'heures de travail qui seront consacrées au vénérable bâtiment. Les importants travaux de rénovation, les travaux réguliers de mise aux normes, ont permis à l'association Kan an Douar d'obtenir les agréments officiels de la Direction Départementale de la Jeunesse et Sports et de l'Inspection Académique du Finistère, afin d'accueillir des Classes Vertes et Découvertes.

Billet de 100 lur à l'effigie de Sebastian ar Balp

Le Presbital Kozh est devenu un foyer socio-culturel animant des cours de breton et de kan ha diskan ainsi que d'autres activités tournées vers la langue et la culture bretonne : le concours Kan an Drask, pour stimuler la création de chansons en langue bretonne ; la soirée contes Yod-Kerc'h ; la fête de la langue bretonne, Gouel Broadel ar Brezhoneg ; Fest ar Forn, la fête du four à pain. Kan an Douar a aussi édité des ouvrages d'histoire, d'ethnologie et de toponymie locales ( Bonnets rouges et papier timbré par Armand Puillandre, La Troménie de Landeleau, par Joël Hascoët, Landeleau, promenade à travers le cadastre de 1838, par Geneviève Fichou), sans oublier le recueil des chansons créées lors des concours Kan an Drask et les billets de banque en lur à l'effigie des héros bretons comme Sebastian ar Balp, chef des Bonnets Rouges.


Reconstruction des annexes

Les premiers bénéfices vont servir à la construction des annexes. C'est ainsi qu'une ancienne crèche délabrée devient le bureau et l'accueil. Le bâtiment du fournil a été entièrement reconstruit pour devenir un atelier pédagogique, tourné vers le pain et les crêpes. Le four lui-même a été réhabilité. Au 1er étage une salle d'exposition a été aménagée, qui retrace l'histoire du Presbital Kozh et celle de la commune de Landeleau.


Les objectifs de départ ont été largement atteints et dépassés : le Presbital Kozh, animé par l'association Kan an Douar, est devenu un acteur incontournable du paysage socio-culturel de Landeleau et de la Bretagne toute entière. Construit aux XVème-XVIème siècles et sauvé de la ruine par une poignée de bénévoles et militants, il fait maintenant partie du patrimoine historique et culturel des Landeleausiens et de tous les Bretons.


Le procès, l'expulsion et la fermeture

Yann Puillandre

Au début des années 2000, le Presbital Kozh a atteint sa vitesse de croisière. Yann Puillandre, l'emblématique président de Kan an Douar, peut voir l'avenir avec sérénité et le passé avec fierté. Mais l'avenir s'assombrit d'un coup lorsque l'actionnaire principal de la SCI fait part à ses coactionnaires minoritaires de sa volonté de ne pas renouveler le bail de Kan an Douar et de vendre le Presbital Kozh. Lorsque ses coactionnaires, qui souhaitent conserver le Presbital Kozh et maintiennent leur confiance à Kan an Douar, lui proposent de racheter ses parts avec des dividendes correspondant à un emprunt au taux bancaire légal, il refuse net : il veut faire estimer la valeur actuelle du Presbital Kozh.

En 2005, le bail de 20 ans n'est pas renouvelé à Kan an Douar et la SCI tombe en indivision, ce qui bloque toute procédure. En effet, pour toute décision, il est nécessaire d'obtenir l'accord à l'unanimité de tous les coindivisionnaires. Mais la loi change en 2007 et autorise désormais un coindivisionnaire possédant les 2/3 des parts de l'indivision à casser ou signer un bail et à mettre le bien en vente sans avoir besoin de l'accord des autres coindivisionnaires. L'actionnaire majoritaire détient plus des 2/3 de la SCI Presbital Kozh tombée en indivision. Il décide d'entamer une procédure d'expulsion à l'encontre de Kan an Douar, et une procédure de vente judiciaire.

Le 5 janvier 2010, le TGI de Quimper ordonne l'expulsion de Kan an Douar du Presbital Kozh, dans un délai de deux mois à compter de la date d'ordonnance, soit jusqu'au 5 mars 2010  et condamne l'association à verser à l'actionnaire majoritaire, pour le compte de l'indivision, une provision de 38 548 € et une indemnité d'occupation de 740 € par mois depuis le 1er juillet 2009 jusqu'à libération effective des lieux.


Affiche : Non à l'expulsion !

Il se forme alors un Comité de Soutien au Presbital Kozh qui lance une pétition recueillant plus d'un millier de signatures et obtient le soutien des élus locaux qui appellent à :

« un appui général en faveur de l'association Kan an Douar afin qu'elle ne soit pas expulsée brutalement des lieux que tous ses bénévoles ont contribué à aménager et à embellir pour y abriter des activités culturelles et de loisirs en faveur de la jeunesse. [...]Le Presbytal Kozh est un endroit connu et reconnu qui est un atout touristique et culturel pour attirer du public sur notre territoire du Centre-Ouest-Bretagne; il doit perdurer sous sa forme et dans sa finalité actuelles ».

(Le Télégramme, 2 février 2010)

 

Le 5 mars 2010, le Comité de Soutien rassemble au Presbital Kozh plusieurs centaines de personnes venues dire non à l'expulsion de Kan an Douar, NANN D'AN DILOJADEG !

Banderole Nann d'an dilojadeg sur la façade du Presbital Kozh

Malgré cette forte mobilisation, la décision de justice suit son cours : Kan an Douar est expulsée et devra déposer le bilan. Le Presbital est fermé et un second procès décide de sa vente aux enchères, qui n'aura finalement pas lieu. Entre-temps, le Comité de Soutien poursuit son action et prépare l'avenir. Il crée un fonds de dotation, "Komite Skoazell ar Presbital Kozh" qui lance une souscription pour le rachat du Presbital. Puis, une nouvelle association voit le jour : Oaled Landelo.

Août 2013 : une nouvelle aventure commence

Journée Portes ouvertes au Presbital Kozh

A la fin de l'année 2012, alors que la vente aux enchères tarde à se produire et que la souscription s'essouffle, une nouvelle surprenante parvient à la mairie de Landeleau : l'actionnaire majoritaire se dit prêt à céder gracieusement ses parts à la commune à condition que ses coactionnaires en fassent de même. Le temps d'obtenir l'accord de tous et de rédiger les actes administratifs, la cession gracieuse du Presbital Kozh à la commune de Landeleau est signée le 15 juillet devant notaire.

 

Les membres de la SCI, Yann Puillandre, Geneviève Fichou, Armand Puillandre, Georges Cristien et Jean Miniou ont posé une condition à la cession de leurs parts : que le Presbital Kozh, restauré par des militants bretonnants et devenu un centre socioculturel reconnu pour son engagement au service de la langue et de la culture bretonne, continue à garder cette vocation première. Le Conseil municipal, à l’unanimité, s'est engagé au nom de la commune de Landeleau à maintenir au Presbital Kozh et de manière pérenne des activités culturelles en langue bretonne.

C'est alors logiquement et naturellement que l'association Oaled Landelo s'est vue confier la gestion du bâtiment. Dès le début du mois d'août, les bénévoles de l'association accueillent les premiers randonneurs du Canal de Nantes à Brest, les premiers pèlerins de Compostelle. La réouverture officielle est marquée par une journée "portes ouvertes", "Dorioù Digor", le dimanche 22 septembre. Une nouvelle page de la longue histoire du Presbital Kozh commence à s'écrire.